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histoires et récits

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Raykeur

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
18 an, 3 mois, 7 jours
posté par Raykeur
le jeudi 03 mai 2007, 01h01

Chaque jour la caravane s'enfonçait un peu plus dans cette épaisse toison verte. Elle suivait un grand goulet luxuriant, une piste cernée d'arbres, de silhouettes enlacées dans un ciel bas et cotonneux. Devant moi, Patrice et Vincent montés sur leurs grands chevaux flottaient dans les brumes, dans un jeu de lumières opaques.

Ces instants magiques me faisaient oublier la fatigue et les difficultés quotidiennes du voyage à cheval. Pris par le mouvement de "Ciluella", ma jument, mon corps collait de mieux en mieux avec le décor de la forêt vierge australe. Mes yeux enregistraient toutes ces séquences de clairs-obscurs, ces visions féeriques du monde patagon. Mes émotions avaient quitté le processus de l'homme civilisé. Je ressentais la naissance en moi d'une sensibilité qui m'était restée jusque là inconnue.

De nouveau des vapeurs grises venaient de nous surprendre, elles étaient chargées cette fois de gouttelettes d'eau froide. Je devinais juste la tête de Ciluella et tenais dans ma main gauche la cordelette de Pablo à peine visible. Celui-ci était un beau cheval trapu blanc, pie, auréolé de brun qui portait sur son dos les caisses de bât. Mes mains, engourdies par le froid et l'humidité, ne lâchaient pas la cordelette du cheval saltimbanque.

Un homme qui marche à pied n'a pas la même vision de son environnement qu'un cavalier hissé sur sa monture. De par son rythme, sa force et sa hauteur, le cheval produit un autre équilibre. Allégé de sa pesanteur, le corps du cavalier bénéficie d'une nouvelle relation terre-cosmos. Pour un artiste c'est une fenêtre ouverte sur l'imaginaire.

Ma rencontre avec les équidés fut au départ délicate. Novice en la matière, il m'a fallu plusieurs mois pour commencer à vivre un corps à corps harmonieux avec ma monture. Les derniers mois j'accumulais dans la journée l'énergie du cheval et celle de la terre et elle rejaillissait chaque soir à travers mon pinceau.

Pablo avait dans ses caisses de fortune toute l'alchimie de mon atelier, pinceaux, papiers, toiles, châssis, pigments, liants. 70 kilos de matériel qu'il allait se coltiner sur 3 000 km de pistes, de Cohiaque à Santiago du Chili.

La journée fut longue et difficile, la forêt de plus en plus étrange, l'atmosphère ouatée et ruisselante. Le soir, le ciel enfin nettoyé, nous rejoignîmes le Pacifique pour nous installer dans une vieille cabane de pêcheurs au bord du fjord Puyauapi. Je trouvai encore assez de force pour sortir mon matériel de peinture et filai sur le sable m'offrir ces lumières rares du crépuscule.
Après quelques minutes de promenade sur les berges, je ressentis autour de moi cette atmosphère étrange. Chaque particule de la nature voulait me parler. Sur un petit monticule je m'installai en tailleur face au Pacifique, sorti mon matériel, caressant dans un grand mouvement de bras la rugosité du papier. Immobile, je fermai les yeux, je retins ma respiration, et l'encre s'écoula sur la feuille blanche, avec les vagues bousculées par le vent. Dans leurs élans les mains commencèrent à danser, complices doigts et pinceaux suivirent la mélodie du paysage.

Aujourd'hui s'amorçait ce rêve qui m'habitait depuis toujours, partir loin au bout du monde pour retrouver les origines de la terre. Après des années d'apprentissage dans la rigueur des bancs d'écoliers, puis de l'université, quitter la vieille Europe, couper avec ses influences pour trouver son propre chemin dans l'art et la peinture.
Je constatais que ces quelques mois de chevauchée remettaient en cause le contenu d'un savoir inculqué jusque-là.

Bien au delà d'un exploit sportif, ce voyage à cheval m'a offert d'étape en étape la trame d'un parcours initiatique. Durant la traversée difficile de la forêt, la nature m'a contraint à prendre conscience de ma fragilité. La forêt vierge, le Pacifique, les cascades accrochées aux montagnes, les chevaux venaient de me dévoiler une infinité d'informations sensitives, l'intuition me poussait à creuser mon monde intérieur.

Un soir, alors que la pluie se déchaînait sur le campement, je découvris dans notre petite bibliothèque de voyage entre deux poèmes de Pablo Neruda cette pensée amérindienne :

"Les peuples civilisés dépendent beaucoup trop des pages imprimées. Le grand esprit nous a fourni la possibilité à vous, à moi, d'étudier à l'université de la nature, des forêts , des rivières, des montagnes et des animaux dont nous faisons partie."

Par l'épreuve des eaux, de la pierre et du vent, j'étais entré dans la ronde des éléments. Contemplatif, j'avais la sensation d'appartenir à ces feuilles d'alerse, de taipu, ces mousses vertes, ce lichen fluorescent, ces brumes blanches, cet environnement originel : la beauté du monde. Par chance la nature m'avait dominé, travaillé, malaxé, poli, pour défricher une parcelle intérieure et y suspendre un espace de silence. Le silence dont parle Hiyensa :

"Le silence est mystère, l'équilibre absolu du corps de l'esprit et de l'âme... le silence est la pierre angulaire du caractère. Pieds nus sur la terre sacrée".

L'intérêt de cet itinéraire artistique est une production picturale issue de l'engagement total du peintre. Engagement dans l'acte de peindre, mais aussi dans un vécu quotidien poussé parfois aux limites de la survie.

La peinture évolue par des étapes de vie et de mort, elle renaît du chaos, de ses cendres, sédiments d'une nouvelle création. En Patagonie j'ai pratiqué des techniques très gestuelles proches de l'atmosphère humide et végétale, soulignant la densité du mouvement et les lumières rares. Mes peintures à l'encre de Chine expriment à la fois la confrontation et l'harmonie de l'homme face à la nature, l'atmosphère monochrome, la qualité vaporeuse d'un monde originel.

Ma rencontre avec le peuple andin a fait exploser ma palette. La nature s'est peuplée de visages, de couleurs chatoyantes et de symboles. Je découvrais plus tard, par des contacts avec des artisans, l'art du masque utilisé dans les carnavals et dans les rites chamaniques. Je profitais de ces techniques pour matérialiser ces visions énigmatiques surgies dans mes rêves et restées à l'état de croquis dans mon carnet de voyage. Cette errance artistique accentuée par le langage sensitif de la peinture m'a permis d'associer le réel et l'imaginaire, l'expression d'un monde magique propre au continent sud-américain.

Raykeur

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
18 an, 3 mois, 7 jours
posté par Raykeur
le jeudi 03 mai 2007, 23h02

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon

Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux

Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus

Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps

C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie

C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux

O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Louis Aragon

mélonie

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
19 an, 9 mois, 26 jours
posté par mélonie
le vendredi 04 mai 2007, 13h56
Merci Raykeur  pour ces beaux récits  moi je passerai  des jours et des nuits ...à t'écouter nous faire la lecture

dianaplume

Titre :
Esprit des forêts (Robins loufoques)
Installé dans le village de :
Nuttingham
depuis le
19 août 2022
Âge :
18 an, 7 mois, 25 jours
posté par dianaplume
le vendredi 04 mai 2007, 20h46
Vers dorés (Gérard de Nerval)
Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant : ...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !

Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie
A la matière même un verbe est attaché ...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres


Voilà rien de plus, rien de moins...Je voulais juste vous faire partager ce merveilleux poême

mélonie

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
19 an, 9 mois, 26 jours
posté par mélonie
le samedi 05 mai 2007, 02h09
histoire vraie
Un jour, un vieux professeur de l'Ecole nationale d'administration publique (ENAP) fut engagé pour donner une formation sur La planification efficace de son temps à un groupe d'une quinzaine de dirigeants de grosses compagnies nord-américaines. Ce cours constituait l'un des cinq ateliers de leur journée de formation. Le vieux prof n'avait donc qu'une heure pour passer sa matière.

Debout, devant ce groupe d'élite (qui était prêt à noter tout ce que l'expert allait enseigner), le vieux prof les regarda un par un, lentement, puis leur dit :

- Nous allons réaliser une expérience.

De dessous la table qui le séparait de ses élèves, le vieux prof sortit un immense pot Maison d'un gallon (pot de verre de plus de 4 litres) qu'il posa délicatement en face de lui. Ensuite, il sortit environ une douzaine de cailloux à peu près gros comme des balles de tennis et les plaça délicatement, un par un, dans le grand pot. Lorsque le pot fut rempli jusqu'au bord et qu'il fut impossible d'y ajouter un caillou de plus, il leva lentement les yeux vers ses élèves et leur demanda :

- Est-ce que ce pot est plein ?

Tous répondirent : Oui.

Il attendit quelques secondes et ajouta : Vraiment ?

Alors, il se pencha de nouveau et sortit de sous la table un récipient rempli de gravier. Avec minutie, il versa ce gravier sur les gros cailloux puis brassa légèrement le pot. Les morceaux de gravier s'infiltrèrent entre les cailloux. jusqu'au fond du pot.

Le vieux prof leva à nouveau les yeux vers son auditoire et redemanda :

- Est-ce que ce pot est plein ? Cette fois, ses brillants élèves commençaient à comprendre son manège.

L'un d'eux répondit : Probablement pas !

- Bien ! répondit le vieux prof.

Il se pencha de nouveau et cette fois, sortit de sous la table une chaudière de sable. Avec attention, il versa le sable dans le pot. Le sable alla remplir les espaces entre les gros cailloux et le gravier.

Encore une fois, il demanda : Est-ce que ce pot est plein ?

Cette fois, sans hésiter et en choeur, les brillants élèves répondirent : Non !

Bien ! répondit le vieux prof. Et comme s'y attendaient ses prestigieux élèves, il prit le pichet d'eau qui était sur la table et remplit le pot jusqu'à ras bord. Le vieux prof leva alors les yeux vers son groupe et demanda : Quelle grande vérité nous démontre cette expérience ?

Pas fou, le plus audacieux des élèves, songeant au sujet de ce cours, répondit : Cela démontre que même lorsque l'on croit que notre agenda est complètement rempli, si on le veut vraiment, on peut y ajouter plus de rendez-vous, plus de choses à faire.

- Non répondit le vieux prof. Ce n'est pas cela. La grande vérité que nous démontre cette expérience est la suivante :

si on ne met pas les gros cailloux en premier dans le pot, on ne pourra jamais les faire entrer tous, ensuite. Il y eut un profond silence, chacun prenant conscience de l'évidence de ces propos.

Le vieux prof leur dit alors : Quels sont les gros cailloux dans votre vie ?

Votre santé ? Votre famille ? Vos ami(e)s ? Réaliser vos rêves ? Faire ce que vous aimez ? Apprendre ? Défendre une cause ? Relaxer ? Prendre le temps ... ? Ou ... toute autre chose ?

Ce qu'il faut retenir, c'est l'importance de mettre ses GROS CAILLOUX en premier dans sa vie, sinon on risque de ne pas réussir ... sa vie. Si on donne priorité aux peccadilles (le gravier, le sable), on remplira sa vie de peccadilles et on n'aura plus suffisamment de temps précieux à consacrer aux éléments importants de sa vie.

Alors, n'oubliez pas de vous poser à vous-même la question :

Quels sont les GROS CAILLOUX dans ma vie ?

Ensuite, mettez-les en premier dans votre pot (vie)

D'un geste amical de la main, le vieux professeur salua son auditoire et lentement quitta la salle.

Bonne méditation !


Raykeur

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
18 an, 3 mois, 7 jours
posté par Raykeur
le samedi 05 mai 2007, 02h35
quelle sagesse ce professeur! mais quelle finesse mélonie! merci pour cette si jolie leçon.

mélèze

Titre :
Grand gourou des plaines
Installé dans le village de :
Chênes sur colline
depuis le
15 janvier 2024
Âge :
18 an, 1 mois, 29 jours
posté par mélèze
le samedi 05 mai 2007, 17h39
merci à vous, mélèze adore les histoires , les contes, les poèmes..., elle s'est régalée à vous lire!! elle reviendra !

ansty

Titre :
Prince des bois
Pas encore installé
Âge :
19 an, 10 mois, 20 jours
posté par ansty
le samedi 05 mai 2007, 19h41
ansty est fier des habitants du village. Il espère aussi retrouver quelques histoires analogues qu'il a lu

Raykeur

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
18 an, 3 mois, 7 jours
posté par Raykeur
le dimanche 06 mai 2007, 00h45

Hookedy-Crookedy

l y a bien longtemps le roi et la reine d'Irlande eurent un fils qu'ils appelèrent Jack. Quand Jack fut devenu un jeune homme, il alla trouver ses parents et leur dit qu'il voulait voyager au loin pour tenter fortune. Tout ce que ses parents purent lui dire ne servit à rien. Ils ne purent pas le retenir. Avec la bénédiction de son père et de sa mère, il entreprit un très long voyage. Il voyagea tellement qu'il arriva plus loin que je ne pourrais vous le dire et deux fois plus loin que vous ne pourriez me le dire.

n jour qu'il traversait un grand bois, il rencontra un vieillard grisonnant qui lui demanda : "Jack, où allez-vous ?"
- Je vais chercher fortune, répondit-il.
- C'est bien, dit le vieil homme. Si vous souhaitez rendre service, il y a un géant qui vit de l'autre côté de ce bois. On l'appellent le géant des cent collines. Je crois qu'il cherche un jeune compagnon bon, fort, capable et intelligent comme vous.
- Je vais le trouver de ce pas, dit Jack.
Jack s'enfonça loin dans le bois jusqu'à ce qu'il ait atteint l'autre extrémité. Il découvrit alors un grand château. Il monta la colline, frappa à la porte et un grand géant sortit.
- Bienvenue, Jack, fils du roi d'Irlande ! Où allez-vous et que voulez-vous ?
- Je cherche à faire fortune, dit Jack. Et à trouver un emploi honnête. On m'a dit que le géant des cent collines cherchait un garçon droit et intelligent : je pense être celui-là.
- Bien, dit le géant. Je suis le géant des cent collines et j'ai besoin de vous. Chaque jour, je dois aller affronter un autre géant à l'autre bout du monde. Quand je ne suis pas là, je veux quelqu'un pour entretenir mon château et surveiller mes biens. Si vous remplissez cette tâche, si vous êtes fidèle et si vous faites tout ce que je vous demande, je vous donnerai un sac d'or à la fin de votre temps de service.
Jack promit qu'il ferait ce que le géant lui demandait. Le géant lui servit alors un copieux dîner et lui donna une bonne chambre. Jack dormit bien cette nuit-là. Le géant le réveilla le lendemain matin avant que la première alouette n'ait grimpé dans le ciel.
- Jack, mon garçon, je ne dois pas être en retard à l'autre bout du monde pour combattre le géant des quatre vents. Il est temps que vous vous mettiez au travail. Vous allez nettoyer ce château et y remettre de l'ordre. Vous ferez tout ce qu'il y a à faire. Je vous le confie. Vous pouvez aller partout où vous voulez, sauf dans les écuries. La porte en est fermée et vous ne devez l'ouvrir sous aucun prétexte, au péril de votre vie. Souvenez-vous en.

ack acquiesça. Le géant descendit aux écuries, puis partit. Jack se mit alors à l'ouvrage. Il nettoya, rangea, remit tout en ordre. Le château était très grand mais très agréable. Ensuite il descendit dans la cour du château et nettoya toutes les dépendances sauf l'écurie. Quand il eut terminé, il alla devant l'écurie et la regarda longtemps. "Je me demande ce qu'il peut y avoir là-dedans et j'aimerais connaître la raison qui veut que je mette ma vie en péril si j'y entre ? Je ne vois pourtant pas où serait le mal."
Chacune des portes du château s'ouvrait grâce à un petit anneau pivotant au milieu de la porte. Jack s'approche de l'étable et tourne le petit anneau. La porte s'ouvre. Jack découvre à l'intérieur une jument et un ours. Ils sont apparemment affamés mais ne mangent pas car devant l'ours, il y a du foin et de la viande devant la jument.
- Mes pauvres amis, dit Jack, ce n'est pas étonnant si vous ne mangez pas ! Le géant a fait une gentille bévue en intervertissant vos aliments.
Il mit le foin devant la jument et la viande devant l'ours. Puis il ressortit en fermant la porte derrière lui. Mais son doigt resta emprisonné dans l'anneau. Il tira tant qu'il put mais ne pouvait plus l'en sortir.
Le pauvre Jack était très embarrassé. "Si à son retour, le géant me trouve coincé ici, je ne sais pas ce qui risque de se passer !" Il sort son couteau de sa poche, se coupe le doigt et le laisse là.

uand le soir, le géant revînt, il demanda à Jack :
- Eh bien, Jack, comment s'est passée cette journée ?
- Ça a été une belle journée, dit Jack, et elle s'est très bien passée.
- Montrez-moi vos deux mains !
Le géant vit qu'il lui manquait un doigt. Son visage s'obscurcit sous le coup de la colère.
- Jack ! Ne vous avais-je pas demandé au péril de votre vie de ne pas entrer dans cette écurie ?
Le pauvre Jack plaida sa cause comme il pouvait. Il dit qu'il n'avait pas eu l'intention d'y entrer, mais que sa curiosité avait été la plus forte. Il ne voulait qu'ouvrir la porte pour jeter un coup d'œil à l'intérieur.
- Tous ceux qui ont ouvert cette porte sont morts, dit le géant. Et je ne vous épargne que pour une seule raison : autrefois, le père de votre père a rendu à mon père un grand service. Je suis un homme qui n'oublie jamais une dette, et pour cette raison, je vous laisse la vie et vous pardonne. Mais si vous recommencez, je vous tuerai.
Jack promit bien sûr qu'il ne recommencerait plus. Il prît son dîner ce soir-là et alla se coucher.

e géant le réveilla le lendemain matin et lui dit :
- Jack, mon garçon, je ne dois pas être en retard à l'autre bout du monde pour combattre le géant des quatre vents. Vous savez ce que vous avez à faire. Nettoyez ce château et remettez-y de l'ordre. Vous pouvez aller partout où vous voulez, mais n'ouvrez pas la porte de l'écurie et n'y entrez pas, au péril de votre vie.
- Je m'occuperai de tout ! dit Jack.

e géant, ce matin-là encore, passa par l'écurie avant de partir. Après son départ, Jack se mit à l'ouvrage, allant d'une pièce à l'autre. Il nettoya, rangea, remit tout en ordre. Puis il sortit dans la cour et nettoya toutes les dépendances sauf l'écurie. Quand il eut terminé, il se planta devant la porte de l'écurie et se dit : "Je me demande ce que font l'ours et la jument et ce qu'a fait le géant quand il est entré pour les voir ? Je donnerais cher pour le savoir. Je vais y jeter un coup d'œil."

l enfila son doigt dans l'anneau de la porte, l'ouvrit et regarda. La jument et l'ours avaient leurs aliments inversés comme la veille et aucun des deux ne mangeait. Jack se dit : "Mes pauvres amis, ce n'est pas étonnant que vous ne mangiez pas ! Le géant a encore fait une bêtise en mettant la viande devant la jument et le foin devant l'ours."
Jack intervertit les aliments et aussitôt la jument et l'ours se mirent à manger de bon appétit. Jack sortit et referma la porte. Mais son doigt à nouveau resta coincé dans l'anneau ; il tira tant qu'il put, mais il ne pouvait plus l'en extraire.
- Oh ! Oh ! Oh ! se dit-il. Je suis mort ce soir.
Il sort son couteau de sa poche, se coupe le doigt et le laisse là.
Quand le soir, le géant revînt, il demanda à Jack :
- Eh bien, Jack, comment s'est passée cette journée ?
- Très bien ! Très bien ! dit Jack en gardant ses mains derrière son dos.
- Montrez-moi vos mains, Jack, que je voie si elles sont propres.
Jack montra ses mains. Le visage du géant s'obscurcit sous le coup de la colère.
- Ne vous ai-je pas pardonné hier d'être entré dans cette écurie ? Ne vous ai-je pas laissé la vie sauve ? N'aviez-vous pas promis de ne jamais y remettre les pieds ? Et qu'est-ce que je vois là ? "
Le géant pérora longtemps. Il était en rage. Il finit par dire : "Puisque le père de votre père a rendu un si grand service au mien, je suppose que je devrai épargner votre vie une seconde fois. Mais, Jack, si vous viviez cent ans et si vous les passiez toutes à mon service, et qu'au bout du compte, vous ouvriez cette porte pour mettre un seul pied dans mon écurie, alors je vous garantis que vous seriez un homme mort aussi sûr que vous avez une tête. Réfléchissez à cela !"

ack remercia infiniment le géant d'épargner sa vie et promit que plus jamais il ne lui désobéirait.
Le matin suivant, le géant réveilla Jack, lui dit qu'il partait combattre le géant à l'autre bout du monde et lui donna ses directives. Il le mît aussi en garde comme il l'avait fait les jours précédents. Il alla dans l'écurie avant de partir. Quand il se fut éloigné, Jack nettoya le château et toute les dépendances. Quand il eut tout terminé, il alla devant la porte de l'écurie.
- Je me demande, se dit-il, comment cette pauvre jument et ce pauvre ours ont été nourris aujourd'hui et ce que le géant des cent collines a fait ici ce matin ? Je crois que je vais jeter un tout petit coup d'œil !" et il ouvrit la porte.
Jack regarda à l'intérieur et vit la jument et l'ours qui bien que servis ne mangeaient ni l'un ni l'autre. Il y avait la viande devant la jument et le foin devant l'ours, tout comme les jours précédents.
- Mes pauvres amis, ce n'est pas étonnant que vous ne mangiez pas ! Et vous devez être plus qu'affamés." Il avance et fait les échanges de nourriture, les plaçant comme elles auraient dû être, le foin devant la jument, la viande devant l'ours.
Quand il eut fait cela, la jument lui dit :
- Mon pauvre Jack, je suis navrée pour vous. Cette nuit vous allez sûrement être tué. Et navrée pour nous aussi, car nous serons aussi sûrement tués que vous.
- Oh ! Oh ! Mais c'est terrible, dit Jack. N'y a-t-il rien que nous puissions faire ?
- Une seule ! dit la jument.
- Laquelle ? demanda Jack.
- Sellez-moi, harnachez-moi et fuyons très loin avant que le géant ne revienne.

ack fit ce que la jument lui avait conseillé. Ils étaient prêts à s'enfuir.
- Eh ! dit l'ours. Vous vous enfuyez tous les deux en me laissant ici ?
- Non, dit la jument, nous ne ferons pas cela. Jack, prenez les chaînes et attachez-moi à l'ours.
Jack attacha la jument à l'ours avec les chaînes, puis ils s'enfuirent tous les trois aussi vite qu'ils le pouvaient.
Très longtemps après, la jument dit : "Jack, retournez-vous et dites-moi ce que vous voyez !"
Jack regarda derrière lui. "Oh ! Je vois le géant des cent collines qui arrive comme une tempête. Il va nous rattraper et nous tuer tous les trois.
- Il nous reste une chance, dit la jument. Regardez dans mon oreille gauche et dites-moi ce que vous voyez !
Jack regarda dans son oreille gauche et y trouva une châtaigne.
- Jetez-la par-dessus votre épaule gauche !
Jack la jeta par-dessus son épaule gauche, et il sortit de terre une châtaigneraie longue de dix miles. Ils continuèrent leur course toute la journée et toute la nuit jusqu'à la mi-journée suivante.
- Jack, retournez-vous et dites-moi ce que vous voyez ! dit la jument.
Jack regarda derrière lui. "Oh ! Je vois le géant des cent collines qui se rapproche moissonnant tout sur son passage comme un ouragan.
- A-t-il quelque chose de particulier ?
- Oui ! Il a plein de buissons sur le sommet de la tête et beaucoup de volailles sont collées à ses pieds et à ses jambes comme s'il avait fait provision de bois de chauffage et de viande pour les années à venir. Je crois que nous sommes perdus, cette fois.
- Pas encore. Il nous reste une chance, dit la jument. Regardez dans mon oreille droite et dites-moi ce que vous voyez !
Jack regarda dans l'oreille droite de la jument et y trouva une goutte d'eau.
- Jetez-la par-dessus votre épaule gauche et regardez ce qui va se passer !

ack la jeta par-dessus son épaule gauche et aussitôt un lac de cent miles de large et de cent miles de profondeur, apparut entre eux et le géant.
- Maintenant, dit la jument, il ne peut plus nous rattraper qu'en se frayant un chemin dans le lac en en buvant son eau, et il boira très probablement jusqu'à s'en faire éclater. Nous serons alors complètement débarrassés de lui.

ack remercia Dieu et ils poursuivirent. Ils n'étaient plus très loin de l'Ecosse. Ils arrivaient à une grande forêt.
- Voici notre cachette, dirent la jument et l'ours.
- Et moi ? demanda Jack.
- Toi, Jack, tu dois continuer et entrer au service du roi d'Ecosse. Son château n'est plus très loin et je pense que tu y trouveras facilement un emploi. Mais je dois d'abord te transformer en hookedy-crookedy, c'est-à-dire en un répugnant petit bonhomme laid et difforme car le roi d'Ecosse a trois filles d'une grande beauté et il ne prendra jamais à son service un beau garçon comme toi par crainte que ses filles n'en tombent amoureuses.
La jument posa alors son naseau sur la poitrine de Jack et souffla son haleine sur lui et Jack fut transformé en hookedy-crookedy.
- Jack, dit la jument, avant de partir, regarde dans mon oreille gauche et prend ce que tu y vois.

ack sortit de l'oreille gauche de la jument un petit capuchon.
- C'est un capuchon magique, Jack. Chaque fois que tu le mettras et que tu feras un vœu, celui-ci sera exaucé. Et chaque fois que tu auras un problème que tu ne peux pas résoudre, viens me trouver et je verrai ce que je peux faire pour t'aider. Maintenant, bonne route.
Jack dit au revoir à ses amis et s'en alla. A la sortie de la forêt, il vit un château. Il s'y dirigea et rentra dans la cuisine. Une servante y nettoyait des couteaux. Il lui dit qu'il cherchait du travail. Elle lui répondit que le roi d'Ecosse ne voulait pas d'homme à son service et qu'il devait passer son chemin. Jack insista tellement en disant que le roi l'emploierait qu'à la fin, la fille lassée consentit à aller exposer son cas au roi.
Quand elle fut sortie, Jack enfila son capuchon magique et fit le souhait que couteaux et fourchettes fussent nettoyés. Aussitôt, couteaux et fourchettes qui formaient un tas de dix mètres de haut se mirent à briller comme neufs. Bien que le roi ne voulut pas qu'il entre à son service, quand il vit à quelle vitesse Jack avait récuré l'énorme tas de couteaux et de fourchettes, il accepta de le garder. Il fit descendre ses trois filles à la cuisine afin qu'elles rencontrent Jack, ainsi il pourrait se rendre compte de l'impression que Jack produirait sur elles. Quand elles eurent vu l'affreux petit bonhomme, toutes les trois s'évanouirent et durent être transportées dans leurs chambres.
- C'est parfait, dit le roi, nous te gardons.

ack obtint un emploi de jardinier.
A cette époque, le roi de l'Est déclara la guerre au roi d'Ecosse. Il avait une très puissante armée et menaçait le roi d'Ecosse de l'effacer de la surface du globe. Celui-ci était très inquiet. Il consulta son Grand Conseiller pour savoir quelle serait la meilleure solution et son Grand Conseiller lui dit qu'il devrait marier ses filles à des fils de rois : il obtiendrait de cette façon de précieux renforts en cas de guerre. Le roi trouva l'idée excellente.
Il envoya des messagers dans toutes les parties du monde pour répandre la nouvelle que ses trois filles à la beauté incomparable étaient à marier. Très peu de temps après, le fils du roi d'Espagne vînt à la cour et épousa l'aînée ; le fils du roi de France vînt à la cour et épousa la seconde et bon nombre de princes vinrent pour la plus jeune qui était la plus jolie des trois et se nommait Rose Jaune ; mais aucun ne lui convenait. Le roi la renvoya dans sa chambre en lui ordonnant de ne plus jamais reparaître devant lui.
Rose Jaune devint très triste et découragée. Elle passait la majorité de son temps à se promener dans le jardin dans lequel Hookedy-Crookedy s'occupait des fleurs. Elle prit l'habitude de venir près de lui pour bavarder. Il ne fallut pas longtemps au garçon pour qu'il se rende compte que Rose Jaune était tombée amoureuse de lui et son charme et sa beauté le touchèrent également.

e que le Grand Conseiller proposa ensuite au roi fut d'envoyer ses deux gendres, le Prince d'Espagne et le Prince de France, à la Source du Bout du Monde pour qu'ils en ramènent des bouteilles de Ioca. Le Ioca était un baume qui guérissait toutes les blessures et ramenait les morts à la vie. En les ayant sur le champ de bataille, le roi pourrait soigner ses blessés et ressusciter ses morts. Le roi enverrait ses gendres à la Source du Bout du Monde pour qu'ils lui rapportent les bouteilles de Ioca.
La Rose Jaune raconta tout cela à Hookedy-Crookedy. Quand il y eut bien réfléchi, il se dit : "Il faut que j'en parle à la jument et à l'ours."
Il se rendit dans la forêt et ses deux amis furent très heureux de le revoir. Il leur raconta tout ce qui lui était arrivé et dit que les deux gendres du roi devaient partir pour la Source du Bout du Monde le lendemain. Quel conseil pouvait lui donner la jument ?
- Jack, il faut que tu ailles avec eux. Prends un vieux cheval de chasse dans l'écurie du roi, un vieil animal osseux et efflanqué qui est au rebut et mets lui une vieille selle de paille. Couvre-toi des vêtements les plus déguenillés et les plus loqueteux que tu puisses trouver, et rejoint ces deux hommes sur la route. Dis leur que tu les accompagnes. Ils auront tellement honte de toi et de ton vieux cheval qu'ils feront tout pour se débarrasser de vous. Quand vous arriverez à un croisement, l'un d'eux proposera une halte pour vous désaltérer ; dans la discussion, ils te diront que vous devez vous séparer pour que chacun des trois emprunte un chemin différent afin de se rendre à la Source du Bout du Monde. Vous aurez rendez-vous à ce même endroit et le premier revenu avec les bouteilles pleines sera le plus grand des héros. Tu accepteras. Ils partiront chacun de leur côté mais ils n'iront pas loin. Ils rempliront leur bouteille à la première source commune qu'ils trouveront au bord de leur route. Et ils se dépêcheront de revenir sur le lieu de rendez-vous, puis rentreront au château du roi d'Ecosse pour lui donner ces bouteilles. Ils prétendront que ce sont des bouteilles de Ioca qui viennent de la Source du Bout du Monde. Mais tu seras arrivé avant eux. Tu suivras le chemin, mais passé le premier tournant, enfile ton capuchon magique et fais le vœu que tes bouteilles se remplissent de Ioca de la Source du Bout du Monde. Tu les auras ainsi."
C'est ainsi que la jument expliqua en détails à Jack ce qu'il avait à faire. Il la remercia, la salua et partit.

e lendemain, les deux gendres du roi partirent en grand équipage pour la Source du Bout du Monde. Ils n'étaient pas encore bien loin du château quand Jack les rattrapa. Il était en guenilles chevauchant sur une selle en paille une vieille haridelle blanche. Il leur dit qu'il les accompagnait. Ils furent choqués de l'apparence de Jack et décidèrent à tout prix de trouver le moyen de se débarrasser de lui. Quand ils atteignirent l'endroit où la route se divisait en trois, ils lui proposèrent de se désaltérer et que chacun parte sur un chemin différent. Le premier revenu serait le plus grand des héros. Tout le monde se mit d'accord et chacun partit sur un chemin différent.

uand Jack eut dépassé le premier virage, il enfila son capuchon magique et souhaita que ses deux bouteilles soient remplies de Ioca de la Source du Bout du Monde. A peine avait-il formulé son souhait qu'il était réalisé. Il fit donc demi-tour et quand les deux autres revinrent, ils furent stupéfaits de voir que Jack était revenu avant eux. Ils lui dirent qu'il n'était pas allé jusqu'à la Source du Bout du Monde et que ce n'était pas du Ioca qu'il avait mais de l'eau qu'il avait recueillie au bord du chemin.
Jack répondit : "Etes-vous sûr que ce n'est pas ce que vous avez fait vous-mêmes. Essayez donc votre eau. Quand vous verrez le serviteur, coupez-lui la tête et guérissez-le donc avec ce que contient vos bouteilles."

ls refusèrent tous les deux de se prêter à cette expérience sachant bien que l'eau de leurs fioles ne guérirait rien du tout. Ils mirent Jack au défi de le faire lui-même.
"Je le ferai le plus tôt possible !" répondit-il.
Quand le domestique arriva avec les fioles de Ioca, Jack dégaina son épée et lui coupa la tête. Dans la minute qui suivit, avec seulement deux gouttes de Ioca, la tête du domestique fut à nouveau sur ses épaules.
Ils dirent à Hookedy-Crookedy : "Qu'échangerais-tu contre tes deux bouteilles ?
- Je voudrais les boules d'or de votre serment de mariage et vous devez me permettre d'écrire quelque chose sur votre dos.
Ils acceptèrent. Ils donnèrent à Jack les deux boules d'or qui étaient la marque de leur engagement et ils laissèrent écrire Jack à même la peau nue de leurs dos. Et voilà ce que Jack écrivit : "Cet homme est marié illégitimement", puis il leur donna les bouteilles de Ioca ; ils les rapportèrent au roi et Jack retourna dans son jardin.
Il ne dit rien à Rose Jaune de l'endroit où il était allé, ni de ce qu'il y avait fait, seulement qu'il avait porté un message pour son père. Dès que le roi eut les bouteilles, il commanda à son armée de se préparer à la bataille pour le lendemain.

e lendemain à l'aube, Jack partit dans la forêt pour prendre conseil de la jument.
Il lui demanda ce qu'il devait faire. "Jack, dit la jument, regardez dans mon oreille gauche et prenez ce que vous y voyez." Jack regarda dans l'oreille gauche de la jument et en sortit une grande armure de combat. La jument lui dit de l'enfiler et de grimper sur son dos. En un éclair, Hookedy-Crookedy fut transformé en un très beau jeune homme impétueux. Jack, la jument et l'ours s'en allèrent tous les trois au combat. Tous ceux qu'ils croisèrent béaient d'admiration devant ce fier et noble cavalier qu'était devenu Jack. La rumeur parvint au roi qu'un grand prince allait participer au combat. Le roi vînt le trouver pour lui demander de quel côté il allait se ranger.
- Aujourd'hui, je ne combattrai qu'aux côtés du roi d'Ecosse.
Le roi le remercia très vivement et lui dit qu'il était sûr qu'ils seraient vainqueurs.

a bataille s'engagea avec Jack à la tête des troupes. Jack était sur tous les fronts, à l'est, à l'ouest, et chaque fois qu'il abaissait son épée, l'air qu'elle déplaçait projetait les maisons de l'autre côté du monde. Rapidement, le roi de l'Est dut battre en retraite avec son armée bien content d'être encore en vie. Le roi d'Ecosse proposa à Jack de l'accompagner dans son château car il voulait donner une grande fête en son honneur. Mais Jack refusa, il ne pouvait pas s'y rendre.
- Chez moi, personne ne sait où je suis. Je dois donc rentrer le plus vite possible.
- Le moins que je puisse faire dans ce cas, dit le roi, est de vous offrir un présent. Voici une nappe. Partout où vous la déploierez, elle se couvrira de mets et de boissons de toute sorte.
Jack la prit, remercia le roi et s'éloigna sur son cheval. Il laissa la jument et l'ours dans leur domaine de la forêt et redevînt Hookedy-Crookedy. Il regagna son jardin. La Rose Jaune lui parla du noble chevalier qui avait remporté la bataille pour son père.
- Bien, dit-il, c'était sûrement un noble compagnon. C'est dommage que je n'aie pu être là, mais j'ai dû porter un message pour le roi.
- Mon pauvre Hookedy-Crookedy, qu'auriez-vous pu faire si vous aviez été là ?

ack revînt trouver la jument le lendemain.
- Jack, dit-elle, regarde à l'intérieur de mon oreille gauche et prend ce que tu y trouves.
Jack sortit de l'oreille gauche de la jument, une armure de combat galonnée d'argent, la plus magnifique qu'il ait jamais vue. Il la revêtit et grimpa sur le dos de la jument. Jack, la jument et l'ours s'en allèrent tous les trois au combat. Tous ceux qu'ils croisèrent béaient d'admiration devant ce fier et noble cavalier qu'était devenu Jack. La rumeur parvint au roi qu'un grand prince allait participer au combat. Le roi vînt le trouver et lui souhaita la bienvenue.
- Votre frère est venu se battre hier, dit le roi. C'est un très vaillant et très noble compagnon. De quel côté allez-vous combattre ?
- Je ne combattrai pour aucune autre armée que la vôtre, lui répondit Jack.
Le roi le remercia très vivement et lui dit qu'il était sûr qu'ils seraient vainqueurs.

a bataille s'engagea avec Jack à la tête des troupes. Jack était sur tous les fronts, à l'est, à l'ouest, et chaque fois qu'il abaissait son épée, l'air qu'elle déplaçait faisait s'envoler les forêts à l'autre bout du monde. Rapidement, le roi de l'Est dut battre en retraite avec son armée bien content d'être encore en vie. Le roi d'Ecosse proposa à Jack de l'accompagner dans son château car il voulait donner une grande fête en son honneur. Mais Jack refusa, il ne pouvait pas s'y rendre car les siens ne savaient pas où il était et se feraient du souci tant qu'ils ne les auraient pas rejoints.
- Le moins que je puisse faire dans ce cas, dit le roi, est de vous offrir un présent. Voici une bourse. Vous pourrez y puiser tant que vous voudrez et acheter ce que vous voudrez, elle ne sera jamais vide.
Jack la prit, remercia le roi et s'éloigna sur son cheval. Il laissa la jument et l'ours dans leur domaine de la forêt et redevînt Hookedy-Crookedy. Il regagna son jardin. La Rose Jaune vînt le rejoindre et lui raconta la belle victoire du noble et beau chevalier, le frère du joli compagnon de la veille, qu'il avait remportée pour son père.
- Bien, dit Jack, cette bataille a dû être en tous points extraordinaire. Je suis désolé de ne pas y avoir assisté, mais j'ai dû porter un message pour votre père.
- Mais, mon pauvre Hookedy-Crookedy, c'était aussi bien ainsi car qu'auriez-vous pu faire ?
Trois jours plus tard, le roi de l'Est, ayant retrouvé son courage, décida de reprendre le combat. Le matin de la bataille, Jack s'en vînt trouver la jument pour prendre ses conseils.
- Jack, dit-elle, regarde à l'intérieur de mon oreille gauche et prends ce que tu y trouves.

ack sortit de l'oreille gauche de la jument, l'armure de combat, la plus splendide qu'il lui fut donné de voir. Elle était tressée de fils d'or et possédait tous les plus beaux ornements. Il la revêtit et grimpa sur le dos de la jument. Jack, la jument et l'ours s'en allèrent tous les trois au combat. Le roi très vite entendit dire qu'un prince d'une richesse extraordinaire, chevauchant une jument et accompagné d'un ours venait pour combattre. Le roi vînt lui souhaiter la bienvenue et lui raconta comment ses deux frères avaient en son nom, glorieusement remporté les deux dernières victoires. Il lui demanda de quel côté il allait se ranger.
- Je ne livrerai combat aujourd'hui qu'aux côtés du roi d'Ecosse.
Le roi le remercia très vivement et lui dit : "Nous remporterons sûrement la victoire."
La bataille s'engagea avec Jack à la tête des troupes. Jack était sur tous les fronts, à l'est, à l'ouest, et chaque fois qu'il abaissait son épée, l'air qu'elle déplaçait culbutait les montagnes à l'autre bout du monde. Rapidement, le roi de l'Est et ceux de son armée qui étaient encore en vie prirent leurs jambes à leur cou et ne s'arrêtèrent de courir qu'à l'ultime extrémité du monde. Le roi d'Ecosse vînt trouver Jack et le remercia très chaleureusement en lui disant qu'il ne pourrait jamais rembourser la dette qu'il lui devait. Il l'invita à l'accompagner à son château car il voulait donner une petite fête en son honneur. Mais Jack ne pouvait pas s'y rendre car les siens ne savaient pas où il était et se feraient du souci pour lui.
- Mais, dit-il, mes frères et moi, nous viendrons participer à votre fête un jour prochain.
- Quel jour viendrez-vous tous les trois ? demanda le roi.
- Un seul d'entre nous peut s'absenter pour une seule journée. Je reviendrai demain, mon second frère après-demain et mon troisième frère le jour d'après.

e roi satisfait le remercia.
- Et maintenant, dit le roi, laissez-moi vous offrir ce présent.
Il lui remit un peigne qui, chaque fois qu'il se peignerait, ferait tomber de sa chevelure des buissons d'or et d'argent et de plus, avait le pouvoir de transformer le plus laid des hommes en l'homme le plus beau et le plus noble.
Jack le prit, remercia le roi et s'éloigna sur son cheval. Ce jour-là comme les jours qui avaient précédé, on remit sur pieds les morts et les blessés grâce aux bouteilles de Ioca. Jack laissa la jument et l'ours dans leur domaine de la forêt et redevînt Hookedy-Crookedy. Il regagna son jardin. La Rose Jaune vînt le rejoindre et lui raconta la merveilleuse histoire qui s'était déroulée le jour même quand un superbe chevalier, terrible dans sa vaillance et son courage avait remporté la victoire pour son père. C'était le frère des deux braves qui avaient vaincus les jours précédents.
- Bien, dit Jack, ce sont sûrement de fameux guerriers. J'avais espéré pouvoir être là, mais j'ai dû m'absenter toute la journée. J'avais un message à porter pour votre père.
- Oh, mon pauvre Hookedy-Crookedy, c'était aussi bien ainsi car qu'auriez-vous pu faire ?

e lendemain, quand l'heure du dîner fut proche, il se rendit dans la forêt et enfila l'armure qu'il avait portée la veille, monta la jument et se rendit au château. Toutes les portes en étaient fermées. Il amena la jument au pied des murailles qui mesuraient neuf miles de haut et la fit sauter par-dessus.
Le roi réprimanda les gardes des portes, mais Jack dit que c'était une broutille qui ne lui avait causé aucun tort pas plus qu'à sa jument. Après le repas, le roi lui demanda ce qu'il pensait de ses deux filles et de leurs maris. Jack dit qu'ils étaient très sympathiques et lui demanda s'il n'avait pas d'autres enfants. Le roi lui répondit qu'il avait encore une fille, la cadette, mais que comme elle avait repoussé tous les prétendants qu'il lui avait proposés, il l'avait bannie de sa vue. Jack dit qu'il aurait aimé la rencontrer. Le roi dit qu'il ne souhaitait pas la revoir mais qu'il ne pouvait refuser à Jack cette requête ; il envoya chercher la Rose Jaune. Jack lui fit un peu la conversation et utilisa tous les artifices pour la séduire, mais, de toute évidence, elle ne reconnut pas en ce noble Jack le laid petit Hookedy-Crookedy. Il lui dit qu'on lui avait rapporté qu'elle avait eu le très mauvais goût de tomber amoureuse d'un affreux petit bonhomme tout tordu qui travaillait dans le jardin de son père.
- J'ai un noble caractère, je suis un prince qui a du bien et je me donnerai à vous ainsi que tout ce que je possède si vous vous contentez de dire que vous m'acceptez pour époux.

lle fut furieuse de se voir injuriée de la sorte et le lui montra très vite.
- Je ne resterai pas un instant de plus assise ici à écouter un homme qui insulte celui que j'aime.
Et elle se leva pour partir.
- J'aime beaucoup votre caractère ; aussi avant que vous ne partiez, je vais vous faire un petit cadeau." Il lui montra la nappe. "Si vous épousez Hookedy-Crookedy, aussi longtemps que vous posséderez cette nappe, vous ne manquerez ni des mets, ni des boissons les meilleurs." Les deux autres sœurs essayèrent de s'emparer de la nappe, mais Jack la tenait fermement et les mit dehors.

e jour suivant, Jack portait la même armure que celle qu'il avait lors de la seconde bataille. Il dut à nouveau faire sauter la jument par-dessus les murailles. Le roi se mit à nouveau en colère contre la garde des portes, mais Jack minimisa ce fait en disant que ce n'était pas grave. Après le repas, le roi lui demanda ce qu'il pensait de ses deux filles et de leurs maris. Jack dit qu'ils étaient très sympathiques et lui demanda s'il n'avait pas d'autre fille. Le roi lui dit : "Je n'en ai pas d'autre, ou plutôt j'en ai une qui ne fait rien de ce que je lui demande et qui est amoureuse d'un affreux petit bonhomme contrefait qui travaille dans mon jardin. Je lui ai ordonné de ne plus jamais se présenter devant moi." Jack dit qu'il aimerait beaucoup la rencontrer. Le roi lui dit que pour s'acquitter de sa dette, il consentait à revenir sur sa décision et acceptait qu'elle vienne. Ainsi la Rose Jaune fut introduite dans la pièce et Jack lui fit un brin de conversation. Il fit tout ce qu'il put pour la rendre amoureuse de lui, fit valoir ses grandes richesses et ses nombreux biens et les lui offrit à condition qu'elle l'épouse. Elle pourrait ainsi vivre le restant de ses jours dans le luxe, la facilité et le bonheur, ce qu'elle ne pourrait jamais obtenir avec Hookedy-Crookedy.

ais la Rose Jaune en fut très irritée : "Je ne veux pas rester plus longtemps ici à écouter de tels discours" et elle se leva pour s'en aller.
- J'aime beaucoup votre caractère ; aussi avant que vous ne partiez, je vais vous faire un petit cadeau." Il lui montra la bourse. "Chaque jour de votre vie aux côtés d'Hookedy-Crookedy, vous n'aurez jamais besoin d'argent, car cette bourse ne sera jamais vide." Ses sœurs essayèrent de s'en emparer, mais Jack les poussa dehors. Jack ramena la jument dans sa forêt.

uand il revînt dans le jardin, il était à nouveau Hookedy-Crookedy et prétendit qu'il avait servi de messager au roi.
Le troisième jour, il retourna encore dans la forêt. Il réenfila l'armure qu'il portait lors de la première bataille et quand il fut devant les murailles du château, il dut à nouveau faire sauter la jument par-dessus. Le roi réprimanda les gardes des portes et Jack lui dit que cela n'avait pas d'importance et que ce n'était qu'un détail pour lui et pour sa jument.

ls firent à nouveau un banquet le soir et au cours de la discussion qui suivit, le roi lui demanda s'il aimait ses deux filles et leurs maris. Il déclara qu'ils les aimaient beaucoup et demanda s'il n'y avait pas une autre fille. Le roi lui dit que non exceptée une demi-folle, une écervelée qui ne faisait pas ce qu'il lui demandait mais qui s'était amourachée d'un affreux petit bonhomme contrefait qui travaillait dans son jardin. Il ne voulait plus la voir. Jack dit :
- J'aimerais beaucoup rencontrer cette jeune fille.
Le roi dit qu'il ne pouvait rien lui refuser ; il envoya chercher Rose Jaune. Quand elle fut là, Jack entama la conversation avec elle et fit tout ce qui était en son pouvoir pour qu'elle tombe amoureuse de lui. Mais cela fut inutile. Il fit valoir sa grande richesse et ses nombreux biens et lui dit que si elle acceptait de l'épouser, tout cela serait à elle et que jusqu'à la fin de sa vie, elle serait la plus heureuse des femmes. Par contre, si elle persistait à préférer Hookedy-Crookedy, elle aurait un époux affreux et ne serait jamais libre de faire ce qu'elle voulait.

i la Rose Jaune avait été irritée les deux journées précédentes, ce ne fut rien à côté du bouillonnement de rage qu'elle ressentit alors. Elle dit qu'elle ne voulait pas en entendre davantage, qu'à ses yeux Hookedy-Crookedy était bien plus noble et bien plus beau que lui ou que n'importe quel fils de roi, que s'il était dix fois plus beau et cent fois plus riche, elle n'échangerait pas le petit doigt d'Hookedy-Crookedy contre lui, toutes ses richesses et tous ses biens et elle se leva pour s'en aller.
- J'aime beaucoup votre caractère et j'aimerais vous offrir ce petit cadeau. C'est un peigne. Chaque fois que vous l'utiliserez, de votre chevelure sortiront des buissons d'or et d'argent et de plus, il fera de l'homme le plus laid, le plus beau du monde.
Quand ses sœurs entendirent cela, elles se précipitèrent sur elle pour lui arracher le peigne mais Jack les repoussa si violemment que leurs époux lui sautèrent dessus. D'un revers de la main, Jack assomma les deux maris qui s'écroulèrent évanouis sur le sol. Le roi se mit en colère et lui dit :
- Comment osez-vous lever la main sur les deux hommes les plus purs et les plus courageux du monde entier ?
- Pur et courageux, laissez-moi rire, dit Jack. Ils ne valent pas plus cher l'un que l'autre et ne méritent même pas d'être vos gendres !
- Comment osez-vous dire cela ?
- Déshabillez-les et voyez vous-même leurs dos.
Le roi vit alors qu'il y était écrit "Cet homme est marié illégitimement".
- Qu'est-ce que cela signifie ? demanda le roi. Ils sont mariés légitimement à mes filles et en possèdent les preuves en or.
Jack sortit de sa poche les boules d'or et les tendit au roi.
- C'est moi qui les ai.

a Rose Jaune était retournée dans son jardin pendant l'altercation. Jack fit asseoir le roi et lui raconta toute l'histoire, en particulier comment il s'était procuré les boules d'or. Il lui raconta comment il était devenu Hookedy-Crookedy. Il lui rapporta que la plus jeune de ses filles dont le roi pensait tant de mal avait refusé d'échanger Hookedy-Crookedy contre celui qu'elle avait cru être un riche prince. Le roi, vous pouvez en être sûr, était maintenant plus que jamais prêt à lui accorder tout ce qu'il désirait. Deux gouttes de Ioca réveillèrent les deux fils de roi et à la demande de Jack, on les autorisa à partir pour vivre où ils voulaient. Jack raccompagna la jument dans sa forêt et revînt dans le jardin sous l'apparence d'Hookedy-Crookedy. Il raconta à la Rose Jaune qu'il avait été récolter des airelles.
- Oh, dit-elle, j'ai quelque chose pour vous. Laissez-moi vous peigner.
Hookedy-Crookedy posa sa tête sur ses genoux. De sa chevelure, sortit un buisson d'or et d'argent et quand il se redressa, ce n'était plus Hookedy-Crookedy qu'elle avait devant elle mais le beau prince qui, par trois fois, avait essayé de gagner son cœur dans le salon de son père. Jack lui raconta alors toute son histoire que Rose Jaune, enchantée, écouta avec délice.

ls se marièrent peu de temps après. Le mariage dura une année et un jour. Pour accompagner la noce, il y avait cinq cents violoneux, cinq cents joueurs de flûte et mille joueurs de fifres et le dernier jour fut plus beau que le premier.
Peu de temps après leur mariage, Jack et son épouse sortirent un jour pour faire une petite promenade à pied. Ils croisèrent une très belle jeune femme. Jack la salua très courtoisement, mais elle répondit à peine.
- Vos manières n'ont pas la qualité de votre apparence, lui dit Jack.
- Aussi mauvaises soient-elles, elles sont meilleures que votre mémoire, Hookedy-Crookedy.
- Que voulez-vous dire ?
Elle fit signe à Jack de s'approcher et lui dit :
- Je suis la jument qui fut si bonne pour vous. L'enchantement auquel j'étais soumise est maintenant levé. L'ours était mon frère, mais lui aussi a retrouvé son enveloppe humaine. J'avais espéré que vous m'épouseriez, mais je vois que vous m'avez très rapidement oubliée. Cela n'a plus d'importance maintenant. Je ne pourrais vous souhaiter une plus jolie et une meilleure épouse que celle qui est à vos côtés. Rentrez à votre château, soyez heureux et vivez bien. Je ne vous reverrai plus et vous ne me trouverez plus jamais sur votre route.

 

Contes de fées du Donegal (Ulster) par Seumas MacManus

Raykeur

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
18 an, 3 mois, 7 jours
posté par Raykeur
le dimanche 06 mai 2007, 22h45

13.  L'amour caché  (Félix Arvers 1806-1850)

 

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

  Hélas! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés et pourtant solitaire ;
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

  Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas.

  A l'austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :
" Quelle est donc cette femme ? " Et ne comprendra pas !


(Mes heures perdues)

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