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Contes d'ici et d'ailleurs

Moutsheryt

Titre :
Acrobate des feuillages
Pas encore installé
Âge :
15 an, 2 mois, 9 jours
posté par Moutsheryt
le mercredi 27 janvier 2010, 15h10
Voilà, je propose d'ouvrir un nouveau post pour tout ceux qui aiment écrire des contes. C'est Raykeur qui m'en a donné l'idée et j'attends son conte canadien. Quant à moi, je suis en train de préparer le mien.

Raykeur

Titre :
Maître des cîmes
Pas encore installé
Âge :
18 an, 3 mois, 7 jours
posté par Raykeur
le mercredi 27 janvier 2010, 20h09
alors, puisqu'on m'attend, je vous présente mes excuses et vous raconte une des histoires que j'ai rapporté de mon escapade. elle ne concerne pas notre peuple aussi j'ai pensé qu'elle vous intéresserait :


je poursuivais toujours ma quête et mes recherches m'ont porté chez les Anishabe, plus communément appelés les Algonquins*.

après un long périple, je m'étais réfugie dans un arbre, avais trouvé un trou confortable (sans doute un nid abandonné) et m'étais assoupi, ivre de fatigue. je fus réveillé de longues heures plus tard par un bruit inaccoutumé. je sortis prudemment de ma cachette pour voir d'où il provenait. une troupe de grands bipèdes, ceux qu'on appelle les humains, passait en bas, je reconnus des femelles et des petits. les femmes, comme ils les appellent, procédaient à la cueillette, les enfants (comme ils appellent leurs jeunes) y participaient aussi tout en jouant entre eux. ils ramassaient des baies à l'odeur parfumée et méconnue et j'espérais intérieurement qu'ils en oublieraient quelques unes afin que je puisse m'en rassasier...car mon ventre me rappelait cruellement à l'ordre! les femmes s'éloignèrent du bas de mon arbre, les enfants y restèrent un peu, chahutant entre eux. je descendis donc, trop affamé pour être prudent et sachant que les jeunes sont généralement moins attentifs si l'on sait être discret et que cette espèce n'a aucun odorat. je réussis à me faufiler dans le buisson sans être remarqué et j'y trouvai des fruits appétissants oubliés ça et là. quel régal! j'en oubliai un moment leur présence. puis revenant à la raison, je continuai mon festin tout en étant attentif aux petits cueilleurs afin de leur échapper si, par malheur, j'étais repéré. mais je sais aussi que cette espèce n'est pas très rapide.

enfin les femmes émirent des cris en directions de leurs petits, qui les rejoignèrent à ce signal. ils devaient avoir fini leur cueillette et repartaient ensemble en faisant ce qui semblait être de la musique. rassasié et curieux, j'entrepris de les suivre afin d'en découvrir davantage.

ils arrivèrent à un endroit plus dégagé de la forêt et se dirigèrent par petits groupes vers des nids étonnants, de grandes pièces uniques, de forme oblongues et arrondies sur le haut, entièrement recouvertes d'écorce de bouleau. toujours les écoutant de loin, je compris qu'ils nommaient ces nids des wigwams. il fallait que j'apprenne vite leur langage afin de pouvoir les étudier plus facilement. en aurais-je le temps ? je me rapprochais d'eux prudemment, aucune trace ni odeur de cette espèce de prédateurs qu'on appelle "chien" et qui serait dangereuse. je me postais donc à l'abri des regards, intrigué par ce que je découvrais là et décidai de rester là un moment à les étudier.

les femmes et les enfants n'étaient plus seuls, il y a avait des mâles, des hommes comme ils les appellent. tout le monde portait des ornements sur le corps, sans doute pour protéger leurs corps glabres et frileux. ou pour faire joli? je n'en sais rien. les femmes portaient de longues tuniques jusqu'aux bout des pattes dont les manches étaient détachables, les hommes des petites bandes de cuir autour du ventre et cachaient leurs pattes postérieures dans des fourreaux de cuir. les hommes surtout portaient des coiffures différentes et tout à fait originales qui me changeait de nos chapeaux. certains nattaient leurs crinières comme les femmes, d'autres l'avait rasée (dans le style Mohawk, une tribu que j'ai déjà rencontrée) laissant donc juste un crête qui semblait raidie par de la graisse et du plus bel effet. d'autres portaient des coiffures en poils de porc-épic et une plume unique.

le temps passait et je restais là à les observer, apprenant d'eux tout ce que je pouvais, parvenant à décrypter leur mode de communication, le langage,  et commençant à en comprendre le sens car j'avais déjà entendu ces bipèdes en utiliser d'autres mais pas très différents...un peu comme j'arrive à comprendre et communiquer avec trombaldi, le castor qui vit chez mido :)

la nuit tombait mais je continuais à les regarder, fasciné de voir que leur façon de vivre répondait aux mêmes obligations et plaisirs que les nôtres. il finirent par allumer un grand feu, s'assirent autour ou restèrent debout regardant tous un ancêtre qui prit la parole :

d'une voix forte mais douce, il prit enfin la parole :

- "Je vais vous raconter la Légende de Cadieux, puisque les enfants me l'ont demandé. je sais que vous l'aimez vous aussi :


Pour le compte des marchands de Montréal et de Québec, Cadieux se retrouvait souvent dans la région de la rivière des Outaouais, afin de négocier des échanges pour des pelleteries.   Il y rencontrait les Indiens qu'il connaissait bien ayant épousé une des leurs, une Kichisipirini, une Algonquine de la Grande-Nation.

Installé avec sa famille au petit rocher de la haute montagne, en plein milieu du portage des Sept-Chutes, en bas de l'île du grand Calumet avec d'autres familles algonquines, il préparait son canoë quand un jeune algonquin accourt vers le campement essoufflé, inquiet et excité.  Les Iroquois arrivent !  Cadieux n'est pas surpris.  Les Iroquois profitent souvent du passage de voyageurs chargés de fourrures pour les attaquer, les piller et ensuite disparaître.

Cadieux et les Algonquins n'ont pas le choix; il faut sauter les Sept-Chutes ou affronter la troupe ennemie. Les cabanes se vident, les canoës se remplissent.  Cadieux expliquent à ses amis algonquins qu'il ira, avec son ami Bessouat, à la rencontre des Iroquois, histoire de faire diversion.

- Quand vous aurez entendu deux coups de fusil venant du portage, foncez vers les rapides.  Prenez bien soin de ma femme!

Et les deux hommes partent vers le portage pendant que les Algonquins attendent immobiles, silencieux, avirons à la main.  Un premier coup de fusil retentit, puis un deuxième, c'est le signal du départ.  Les embarcations des Algonquins foncent en plein coeur des chutes où des montagnes de rocs et les flots tumultueux voudraient arrêter les fragiles canoës d'écorce. Mais les pagayeurs sont habiles: pilote et navigateur coordonnent leurs mouvements à chaque bout du canoë; ils contournent les dangereuses pointes cachées sous l'écume, se glissent entre les rochers, surveillent le courant.  Ils arriveront à bon port deux jours plus tard pour y attendre Cadieux et son ami Bessouat.

Le premier coup de fusil avait été pour Cadieux, plus qu'un signal à ses amis; c'était un geste de défense. Les Iroquois sont là et les ont aperçus.  Bessouat est rapidement encerclé.  Cadieux ne peut plus risquer une plus longue attente. Il s'enfonce dans le bois en prenant soin de ne pas laisser de traces derrière lui.  Il replace les feuilles, les branches, revient sur ses pas pour brouiller les pistes.

Cadieux connaît bien la route du lac des Deux-Montagnes, mais non pas la forêt.  Il n'ose donc pas s'éloigner afin de retrouver son canoë pour y rejoindre ses amis algonquins et sa femme.  Il se construit un abri, se nourrit de fruits sauvages, évite de faire du feu.  Il ne sait pas que les Iroquois ont rebroussé chemin.  Connaissant l'habileté des Algonquins, les Iroquois ont rapidement deviné que ceux-ci ont sauté les rapides des Sept-Chutes.

Treize jours plus tard, inquiets de ne pas voir arriver les deux hommes, les Algonquins décident d'envoyer des hommes au partage.  Ils découvrent le corps de Bessouat, scalpé, abandonné.  Ils remontent jusqu'à l'abri de Cadieux. Personne !  Revenant par un sentier d'où ils étaient venus, ils aperçoivent une croix de bois qu'ils n'avaient pas remarquée en arrivant la veille.  Une fosse était creusée et le corps, encore chaud de Cadieux y reposait.  Les mains sur la poitrine, il serrait une feuille d'écorce de bouleau couverte d'écriture.  Ils comprirent que Cadieux était vivant la veille, qu'ils les avaient reconnus, mais une trop grande faiblesse ou l'émotion de la joie l'ont empêché de crier sa présence.  Il avait donc écrit sa complainte, son chant de mort sur un feuillet d'écorce et s'endormit pour ne plus jamais se réveiller.

Durant plusieurs années, les Algonquins revinrent à cet endroit.  Leur chef déposait alors un nouveau feuillet de bouleau sur lequel il avait recopié la  Complainte de Cadieux et fixait celui-ci sur une croix de bois placée à la tête de la fosse.



un petit, moins timide que les autres parut lui-même stupéfait de son audace et cria dans le silence qui s'ensuivit :

- "Abooksigun, s'il te plaît, dis-nous la complainte de cadieux !"

Abooksigun eut un sourire, prit une inspiration et commença :

« Petit rocher de la Haute-Montagne,
Je viens ici finir cette campagne!
Ah! Doux échos, entendez mes soupirs,
En languissant, je vais bientôt mourir!

Petits oiseaux, vos douces harmonies,
Quand vous chantez, me rattachent à la vie:
Ah! Si j'avais des ailes commes vous,
Je s'rais heureux avant qu'il fut deux jours!

Seul dans ces bois, que j'ai eu de soucis,
Pensant toujours à mes si chers amis;
Je demandais: hélas! Sont-ils noyés?
Les Iroquois les auraient-ils tués?

Un de ces jours que m'étant éloigné,
En revenant je vis une fumée;
Je me suis dit: Ah! Grand Dieu! Qu'est ceci?
Les Iroquois m'ont-ils pris mon logis?

Je me suis mis un peu à l'ambassade,
Afin de voir si c'était embuscade;
Alors je vis trois visages français.
M'ont mis le coeur d'une trop grande joie!

Mes genoux plient, ma faible voix s'arrête,
Je tombe... hélas!  À partir ils s'apprêtent:
Je reste seul... pas un qui me console,
Quand la mort vient par un si grand désole!

Un loup hurlant vient près de ma cabane,
Voir si mon feu n'avait plus de boucane!
Je lui ai dit: Retire-toi d'ici;
Car ma foi, je perdrai ton habit!

Un noir corbeau volant à l'aventure,
Vient se percher tout près de ma toiture;
Je lui ai dit: Mangeur de chair humaine,
Va-t-en chercher autre viande que mienne.

Va-t-en là-bas dans ces bois et marais,
Tu trouveras plusieurs corps iroquois;
Tu trouveras des chairs aussi des os;
Va-t-en plus loin, laisse-moi en repos!

Rossignolet, va dire à ma maîtresse,
À mes enfants, qu'un adieu je leur laisse,
Que j'ai gardé mon amour et ma foi,
Et désormais faut renoncer à moi!

C'est donc ici que le monde m'abandonne,
Mai j'ai recours en vous Sauveur des hommes!
Très-sainte Vierge, ah! M'abandonnez pas,
Permettez-moi de mourir entre vos bras!»


* à ne pas confondre avec les Algonquiens (ou Algonkiens) sui désigne une famille entière de langues amérindiennes, (y compris les Abénaki, les Cheyennes et les Delawere)

Herbak

Titre :
Aventurier(e)
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Âge :
15 an, 10 mois, 21 jours
posté par Herbak
le mercredi 27 janvier 2010, 20h50
Quel conte superbe!

Merci Raykeur de nous faire connaître les Indiens du Canada et les trappeurs.....Quelle aventure d'écureuil!
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